Dans le Var, face à l’incendie qui détruit l’un des joyaux de la biodiversité européenne

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Depuis 72 heures, le Massif des Maures (Var, France) brûle et avec lui l’un des joyaux de la biodiversité méditerranéenne, la plaine des Maures qui héberge une réserve naturelle unique en Europe, la RNN de la plaine des Maures.

Un incendie d’origine humaine compliqué et difficile dans un contexte climatique hors norme (température de 40°C pendant plusieurs jours, vent apocalyptique le premier jour) a traversé le massif et continue à brûler le territoire de la Réserve, entre le Cannet des Maures, Vidauban et les Mayons.

À l’heure où j’écris ces lignes, et alors que j’ai passé plusieurs heures sur le terrain, trois fronts sont toujours présents entre Grimaud, Vidauban et la Garde-Freinet, la chaleur torride attise la reprise, et le vent, lui, change sans cesse de direction.

Des écosystèmes uniques et précieux

Après une deuxième soirée d’effroi et de tristesse, d’autres se préparent, les équipes de la réserve nationale sont contraintes de respecter les consignes incendies et les moyens se sont concentrés pour défendre les régions littorales ou brûlent des campings et des maisons. Et autant d’écosystèmes uniques et précieux que dans la réserve, avec une réserve biologique intégrale inhabitée et sauvage gérée par l’ONF au cœur du Massif, impactée elle aussi.

Un terrible bilan se prépare entre drames humains intolérables et catastrophes économiques et écologiques. Je connais des gens qui ont perdu leur maison.

Permettez-moi de réagir viscéralement à cette catastrophe, au-delà des aspects scientifiques que nous avons déjà évoqués lors d’autres incendies en tant qu’expert engagé dans la gestion de cette réserve et plus largement sur la conservation des milieux méditerranéens.

Le difficile équilibre de la co-gestion

Ici, point de liste d’espèces (elles sont nombreuses, rares précieuses, discrètes ou emblématiques, mais toutes comptent), ni d’indicateurs écologiques, juste le ressenti d’années d’efforts entre les habitants, les gestionnaires et les scientifiques pour trouver l’équilibre difficile de la co-gestion entre conflit d’intérêts et d’utilisations multiples et références culturelles éloignées voire disjointes, l’éternel dilemme de la « fermeture » des milieux et de la chasse au combustible.

Nous pleurons avec mes collègues la disparition de paysages parmi les plus beaux de France, entre pins pignons séculaires et chênes hors d’âge, où s’étiraient des vignes et quelques oliveraies, ainsi que de profondes ripisylves et des dalles de grès rouges presque exotiques.


Le feu s’est déclaré le 16 août. Romain Garrouste,Author provided

La fierté de toute une région, parcourue par de superbes sentiers, le tout d’une naturalité unique et sauvage, dans une géologie unique avec ses terres rouges de l’ère primaire, entre coulées volcaniques et falaises de grès.

L’heure était pourtant au bilan de plusieurs années de ce difficile équilibre et devait amener à de nouvelles orientations et concessions de part et d’autre, tous animés de la passion de ce territoire unique.

Remise à zéro

Tout est remis à zéro, au propre comme au figuré, car la gestion future de cet espace ne pourra être dévolue qu’à un plan de sauvegarde et de restauration écologique. À inventer avec l’aide de tous, en prenant en compte la nouvelle donne climatique.

Jamais nous n’aurions cru devoir faire de la restauration à si grande échelle dans cette espace qui nous paraissait un sanctuaire de vie et de nature. Depuis de nombreuses années, les mégafeux que nous connaissions bien, hélas, semblaient être de l’histoire ancienne tant les efforts de prévention et d’interventions précoces portaient leurs fruits (mais n’oublions pas le Cap Lardier sur le territoire du Parc national de Port-Cros).

Aujourd’hui, nous pleurons des proches (2 victimes à cette heure et de nombreux blessés), nos maisons, nos paysages, des centaines de tortues d’Hermann, de reptiles, de chauve-souris, d’oiseaux, des milliers d’insectes et de plantes protégées autant rares que fragiles et des centaines d’hectares d’écosystèmes perdus.


On ne peut pas encore mesurer tout l’impact sur la biodiversité. Romain Garrouste,Author provided

Certes, ce sont des écosystèmes méditerranéens et ils sont adaptés aux feux. C’est tout à fait exact, mais dans ce contexte hors norme du réchauffement climatique (sans utiliser l’euphémisme du dérèglement), ces mégafeux modifient l’écosystème lui-même et peut-être pour toujours.

Nous devons aussi penser aux espèces qui n’étaient pas répertoriées (oui, même ici, l’inventaire n’était pas terminé) et qui ne le seront peut-être jamais.

Demain nous allons tous, habitants, gestionnaires, scientifiques et usagers de ces espaces naturels disparus, devoir nous retrousser les manches pour inventer leur restauration, pour les générations futures.

Mais quand ce feu va-t-il s’arrêter et que nous restera-t-il ?

Romain Garrouste, Chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Image : NICOLAS TUCAT / AFP

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